Le 31 août 2022, AstraZeneca a obtenu une injonction empêchant son directeur des opérations (COO) de rejoindre son concurrent GSK. Le COO sortant avait une clause de non-concurrence de 6 mois dans son contrat et AstraZeneca a fait valoir qu’une injonction était nécessaire afin d’empêcher un “dommage irréparable” à l’entreprise. Récemment, Emmanuelle Ries et Chris Rodda ont conseillé un client dans le secteur de la recherche médicale sur l’application d’une clause de non-concurrence pour leur COO sortant. Dans le cadre d’un accord à l’amiable, ils ont obtenu que le COO s’engage à respecter les termes de sa clause de non-concurrence de 9 mois, l’empêchant donc de commencer à travailler pour une société concurrente.
Les clauses de non concurrence contenues dans les contrats de travail de vos cadres supérieurs sont-elles suffisantes pour protéger votre entreprise ?
Malheureusement, tout comme les couples sur le point de se marier peuvent trouver déplaisant de discuter d’accords prénuptiaux, les employeurs et les employés peuvent être réticents au tout début de la relation contractuelle à s’appliquer à adapter le libellé standard des restrictions et clauses de non-concurrence dans le contrat de travail.
Restrictions prenant effet à la fin du contrat de travail
Trop souvent, les restrictions ne sont pas bien pensées et sont trop vagues et trop étendues, pour empêcher un employé de partir chez un concurrent. Il serait utile de souligner brièvement les points qu’un juge examinerait afin de décider d’accorder ou non une injonction pour faire respecter les clauses en question.
– Le point de départ en droit anglais est que toutes les restrictions à la liberté de travail d’un ancien employé sont nulles et inapplicables car elles constituent une restriction au commerce et sont contraires à l’ordre public. L’employeur devra donc démontrer que les restrictions ne sont pas plus onéreuses que ce qui est raisonnablement nécessaire pour protéger les intérêts commerciaux légitimes de l’employeur.
– Les intérêts commerciaux légitimes relèvent pour la plupart des catégories suivantes :
o les secrets commerciaux
o Les relations commerciales
o la stabilité de la main-d’œuvre de l’employeur.
– Les types de clauses restrictives utilisées pour protéger ces intérêts sont habituellement les suivants :
o les restrictions de non-concurrence, qui interdisent à l’ancien employé de travailler dans une entreprise concurrente
o les clauses de non-sollicitation, qui interdisent à l’ancien employé de solliciter des relations d’affaires spécifiques
o les clauses de non-commercialisation, qui interdisent à l’ancien employé de traiter avec des clients ou d’autres relations commerciales de l’employeur, même lorsqu’il n’a pas établi le contact.
– Les restrictions doivent être raisonnables en termes de durée et de portée. C’est là que le travail doit être fait dès le début de la relation, pour adapter les clauses afin qu’elles ne soient pas plus longues ou plus étendues que nécessaire pour protéger les intérêts légitimes de l’employeur. Pour cet exercice, l’employeur devra tenir compte, entre autres, du temps qu’il faudra pour remplacer l’employé dans son rôle, du cycle de vie des informations confidentielles que l’employé peut emporter avec lui, de la durée du préavis contractuel de l’employé, et de la portée géographique des restrictions.
Informations confidentielles
De nombreuses entreprises considèrent que leurs principaux actifs sont les informations et des connaissances, telles qu’une recette ou une formule secrète, une liste de contacts commerciaux et de clients clés ou des systèmes et données informatiques spécialisés. Les employeurs peuvent prendre des mesures, telles que la conclusion de clauses de confidentialité, pour empêcher les employés d’utiliser ces informations pour eux-mêmes ou pour un tiers (le plus souvent un concurrent).
Les tribunaux ont établi un cadre solide en vertu duquel ils ont regroupé les informations selon une échelle de confidentialité, depuis les “secrets commerciaux” jusqu’aux informations banales ou facilement obtenues auprès de sources accessibles au public. Il est difficile de savoir avec une certitude absolue à quel endroit de l'”échelle de confidentialité” il convient de placer une information. C’est pourtant crucial, car sa place sur cette échelle déterminera le niveau de protection qui lui sera accordé et les recours dont disposera son propriétaire suite à sa divulgation.
L’obligation de divulguer les termes d’une offre reçue par l’employé peut-elle être exécutoire ?
Ce type de clause oblige souvent l’employé à informer l’employeur s’il est approché par un concurrent. Dans l’affaire Square Global Ltd v. Julien Leonard, le contrat de l’employé contenait une clause l’obligeant à informer son employeur de l’identité de toute partie faisant une offre d’emploi dès que possible après avoir accepté l’offre. La Cour a jugé que cette clause ne s’appliquait qu’une fois que toutes les conditions importantes de l’offre avaient été réglées. L’employeur a fait valoir que l’envoi d’un premier projet de contrat de travail par l’employeur potentiel reflétait un accord sur tous les éléments essentiels et que les négociations interminables sur des détails insignifiants au cours des mois suivants visaient simplement à masquer cet accord. La Cour a rejeté cette thèse, notant que, bien que les modifications apportées après le premier projet aient été peu importantes, il y a eu quelques modifications non triviales (concernant le mandat et les modalités du préavis).
Il est important de noter que l’employé n’avait pas clairement indiqué au nouvel employeur que les conditions principales étaient réglées, et qu’elles ne feraient pas l’objet d’un nouvel examen de sa part avant la signature du contrat. Il est probable que les parties s’attendaient à l’exécution d’un contrat contraignant en temps voulu, mais cela n’était pas suffisant pour déclencher l’obligation de la clause en question.
Si vous avez besoin d’aide pour examiner les restrictions existantes dans vos contrats de travail, pour adapter les clauses restrictives ou pour faire respecter les obligations de non-concurrence et de violation de la confidentialité à l’encontre d’un employé sortant, veuillez contacter notre équipe droit du travail.
Note : Ces quelques développements de portée générale ne sauraient constituer un conseil juridique. Nous vous invitons à nous consulter sur ces questions pour de plus amples précisions et pour des réponses spécifiquement adaptées à votre situation.
© Miller Rosenfalck LLP, Octobre 2022