Ce petit guide a pour but de donner un aperçu pratique du droit du travail anglais aux entreprises françaises désireuses de s’implanter au Royaume-Uni. Il ne traite pas du droit de l’immigration et pour en savoir plus sur les obligations de l’employeur de s’assurer que ses salariés ont le droit de travailler au Royaume Uni, voir notre guide sur le droit de l’immigration au Royaume-Uni.
Le contrat de travail et le statement of terms of employment
Le Employment Rights Act 1996 et le Good Work Plan de 2020 prévoient que, dès le premier jour de la relation de travail, l’employeur doit fournir au salarié le ‘principal statement of terms and conditions of employment’ puis, dans les deux mois suivants l’embauche, le ‘wider statement of terms and conditions’. Dans la pratique, ces deux statements of terms constituent les mentions obligatoires de base du contrat de travail anglais. Ces dispositions, contenues dans les contrats de travail se rapprochent d’un contrat de travail français mais elles sont plus détaillées, surtout si le salarié est un cadre. En effet les lois sur la relation de travail, telles celles encadrant le contrat de travail, l’Employment Rights Act 1996 ne constituent pas un Code du Travail comme on l’entend en France et il est donc nécessaire que le contrat envisage toutes les étapes de la relation de travail, du commencement à la fin.
Les mentions obligatoires du ‘principal statement’
- Nom de l’employeur;
- Nom du salarié, intitulé de poste et date de début de la relation de travail:
- Date de début de la relation et ancienneté ;
- Durée du contrat et périodes de préavis de fin de contrat;
- Durée de la période d’essai;
- Lieu de travail;
- Salaire et modalités de paiement;
- Heures et jours travaillés en précisant si les horaires de travail seront variables et si le salarie sera amené à travailler les dimanches, les nuits ou à faire des heures supplémentaires;
- Congés payés et jours fériés ;
- Autres congés – tels congés maternité et paternité ;
- Bénéfices contractuels (tickets déjeuners ou garde d’enfants)
- Formations obligatoires et si celles-ci seront financées par l’employeur ;
- Si le salarié va devoir travailler à l’étranger pour une durée continue de plus d’un mois, dans quelle dénominations sera-t-il paye, quels compléments de salaires lui seront alloues et les modalités de leur retour en Angleterre ;
- Modalités de rémunération pendant le congé maladie.
Les mentions obligatoires du ‘wider written statement’
- les contributions retraites (pension) ;
- Le droit éventuel à des formations non obligatoires;
- Les procédures disciplinaires et de règlement des griefs ;
- Les conventions collectives applicables.
Les modalités de mise en œuvre de la période d’essai et du préavis de fin de contrat
Le préavis et la période d’essai sont deux points du contrat à aborder dès la décision d’embauche et soulignent les spécificités du contrat de travail anglais :
Notice period – Préavis : Comme en France, la résiliation du contrat de travail est automatiquement assortie d’un préavis. Les durées de préavis minimum prévues dans le Employment Rights Act 1996 sont néanmoins plutôt brèves (1 semaine de préavis pour une ancienneté inférieure à 2 ans, au-delà :1 semaine de préavis par année d’ancienneté, plafonnée à 12 semaines après 12 ans d’ancienneté). Ce minimum légal peut être étendu contractuellement. Il est en effet courant de voir des préavis contractuels d’un mois chez les non-cadres et de trois à six mois chez les cadres. La couverture chômage anglaise universelle étant d’un montant bien moindre qu’en France, un préavis plus long que le minimum légal est un point de négociation important pour le salarié qui essaiera de se protéger contre les conséquences financières d’un licenciement éventuel. Par ailleurs, pour l’employeur un préavis plus long que le minimum légal est nécessaire pour se donner le temps de recruter un remplacement mais aussi pour démontrer qu’une clause de non-concurrence est reasonable (voir ci-dessous).
Probationary period – Période d’essai : En droit anglais, l’intérêt de la période d’essai est réduit car le salarié ne peut se prévaloir, pendant les deux premières années de son embauche de la protection offerte par la législation contre un licenciement sans cause réelle et sérieuse. L’avantage principal présenté par une période d’essai réside en ce qu’elle permettra à l’employeur de justifier contractuellement d’une durée de préavis plus courte que celle qu’il s’engagerait à notifier après l’expiration de la période d’essai. Par ailleurs, cette législation, certes favorable à la flexibilité du marché du travail anglais, représente des dangers cachés pour l’employeur qui la prendrait trop à la lettre. Il est vivement conseillé à l’employeur de suivre une procédure de licenciement qui puisse être décrite comme équitable, fair, pour pouvoir défendre une éventuelle action du salarié pour discrimination par exemple. C’est pourquoi une période d’essai (pour des durées de trois à six mois selon le poste, renouvelable si besoin est) figure dans la plupart des contrats de travail comme un outil de management pour inciter l’employeur à prendre une décision pour le long terme de la relation de travail.
Le salaire minimum garanti et le living wage
Le salaire horaire minimum (National Minimum Wage) est calculé en fonction de l’âge (pour les salariés de 23 ans et plus, 9,50 GBP, entre 21 ans et 22 ans, 9,18 GBP, entre 18 à 20 ans 6,83 GBP, moins de 18 ans 4,81 GBP, apprentis 4,81 GBP). Comme il y a peu de conventions collectives, il est extrêmement rare de voir des minima salariaux fixés par celles-ci comme en France. Cependant, depuis quelques années, le concept du UK living wage par lequel l’employeur paye un salaire minimum plus élevé que le minimum légal, gagne en popularité. Le London Living Wage est fixé à 11,05 GBP et pour le reste du pays à 9,90 GBP.
Rémunération fixe et variable
Tout comme en France, la rémunération peut être composée d’un élément fixe et d’un élément variable, généralement dépendant d’objectifs fixés à l’avance. Cet élément variable est appelé un ‘bonus’ ou une ‘commission’, les termes étant largement interchangeables. Le bonus pourra être purement discrétionnaire, partiellement discrétionnaire ou contractuel. Dans la rédaction de l’article du contrat se référant au bonus, il est normalement décidé si le salarié pourra prétendre à un bonus ‘pro rata temporis’ s’il n’est plus salarié au moment où le bonus est calculé, ou payé, ou si le salarié est en train d’effectuer son préavis, ou est en période de préavis travaillé non effectué. Il est essentiel que la rédaction du contrat sur ces points soit très précise pour couvrir les attentes de l’employeur et du salarié et éviter les incertitudes génératrices de contentieux au moment de la fin du contrat.
La durée du temps de travail
Le droit du travail anglais prévoit que la durée du travail ne peut être supérieure à 48 heures par semaine. Cependant, un salarié peut travailler plus de 48 heures par semaine dès lors qu’il a signé un opt-out agreement et ces opt out sont courants dans certains secteurs. Par ailleurs, comme en France, les salariés dont le temps de travail ne peut être mesuré, ou qui jouissent d’une autonomie dans l’organisation de leur temps de travail ne sont pas assujettis à la limitation hebdomadaire de la durée du temps de travail. Il faut cependant veiller à ce que le salaire ne tombe pas en-dessous du minimum légal (cf. ci-dessus) en vue des heures travaillées.
Les congés payés
Les salariés ont droit à 5.6 semaines de congés payés, soit 28 jours (pour un poste à temps plein) inclusif des 8 jours fériés Bank Holidays. En pratique, les employeurs accordent souvent à leurs salariés entre 24 et 30 jours (en plus des 8 jours de Bank Holidays) par an. Le contrat est très détaillé sur les droits et les obligations des salariés en matière de congés payés et doit clairement expliquer la façon dont les jours de congés sont calculés.
Les congés maladie
Le régime légal minimum de protection offre à tout salarié, à compter du quatrième jour d’absence pour raison de santé, le bénéfice d’une allocation maladie hebdomadaire (statutory sick pay) dont le montant est déterminé par la loi de finance de l’année en cours. Cette allocation est actuellement de 99.35 GBP par semaine. En raison de la rigueur présentée par le régime de base, il est fréquent que l’employeur propose le versement d’un complément de salaire (company sick pay) destiné à compenser le salarié pour la perte de salaire subie pendant la période d’absence pour raison de santé. Ce régime complémentaire sera également détaillé dans le contrat de travail.
La retraite
En Angleterre, le régime des retraites reposant essentiellement sur un système de contributions privées, le contrat de travail doit comporter une clause relative à la retraite complémentaire et les méthodes de contribution proposées. La cotisation minimale employeur est de 3% du salaire avec l’obligation que les contributions employeur et employé se montent à 8% du salaire.
Couverture sociale
Le salarié est automatiquement couvert en matière de santé et de retraite par les contributions obligatoires au fond des National Insurance Contributions prélevées à la source par l’employeur (PAYE). Pour bénéficier de couverture médicale privée ou d’une retraite privée, il est conseillé de s’adresser à un courtier en assurances qui sera à même de conseiller la société et/ou l’individu sur les choix à effectuer.
Les clauses de non concurrence
Le droit du travail anglais sur les clauses de non-concurrence est très différent du droit français. En droit anglais les clauses de non-concurrence (restrictive covenants) ne sont à priori pas valides. Le principe prévalant est celui du « free trade » et pour être valide un restrictive covenant devra justifier sa raison d’être par référence au danger que le salarié pourrait poser pour la survie de la société si ce salarié partait à la concurrence ou sollicitait des clients de l’employeur. Ainsi les juges vont se référer à un certain nombre de critères tels que la nature du poste, la nature des informations que le salarié a en sa possession (secrets de fabrication, information confidentielle), sa place hiérarchique dans la société (manager, directeur…). Par ailleurs la législation anglaise, contrairement aux dispositions du Code du Travail et de la jurisprudence en France, ne prévoit pas la contrepartie financière du salarié soumis à une obligation de non-concurrence.
La protection des données personnelles
Le Data Protection Act 2018 (en reprenant les principes du RGPD) énonce les principes à respecter en matière de données à caractère personnel.
- Les données à caractère personnel doivent être traitées de manière licite, équitable et transparente vis-à-vis de la personne concernée, du salarié en l’espèce.
- Les données personnelles ne doivent être collectées qu’à des fins spécifiées, explicites et légitimes.
- Les données à caractère personnel doivent être adéquates, pertinentes et limitées à ce qui est nécessaire par rapport aux finalités pour lesquelles elles sont traitées.
- Les données personnelles doivent être exactes et, si nécessaire, mises à jour. Toutes les mesures raisonnables doivent être prises pour que les données inexactes, eu égard aux finalités pour lesquelles elles sont traitées, soient effacées ou rectifiées sans délai.
- Les données à caractère personnel ne doivent pas être conservées sous une forme permettant l’identification des personnes concernées plus longtemps qu’il n’est nécessaire aux fins pour lesquelles les données sont traitées.
- Les données à caractère personnel doivent être traitées de manière à garantir leur sécurité appropriée.
- L’employeur est responsable du respect des autres principes de protection des données et doit pouvoir le démontrer.
Dans la pratique, les employeurs peuvent traiter les données à caractère personnel des employés si le traitement répond aux conditions précitées. Toutefois il est nécessaire que l’employé y donne son consentement libre et éclairé. La validité du traitement de ces données doit également être rendue nécessaire pour l’exécution d’un contrat de travail, le respect des obligations légales de l’employeur, la protection des intérêts vitaux de l’employé, pour l’exécution de fonctions publiques ou les intérêts légitimes de l’employeur ou de tout tiers à qui l’employeur communique les données personnelles, si les droits et libertés fondamentaux du salarié ne l’emportent pas sur ces intérêts.
Les employeurs doivent également s’assurer que le salarié s’engage à respecter la « data protection policy » s’il est amené à traiter des données personnelles dans l’exercice de ses fonctions.
La protection des données personnelles dans le contrat de travail référera à une charte de l’employeur sur la protection des données. Notez, qu’il n’est pas suffisant de se référer à la charte en vigueur dans la maison mère en France et que les obligations légales de l’employeur de s’assurer du consentement du salarié relatif au traitement de ses données personnelles par l’employeur seront référées dans une Privacy Notice.
Vous trouverez plus de détails sur l’application de la législation relative à la protection des données personnelles dans notre guide ‘’
Le staff handbook
Cette charte est bien plus qu’un règlement intérieur français. Le staff handbook est généralement divisé en deux parties, une partie faisant supplément au contrat (pour expliquer notamment les règles de fonctionnement de l’entreprise) et une partie qui contient les chartes spécifiques à l’employeur, tels que les grievance and disciplinary policies, internet and social media use policy, equal opportunity policy, anti harrassment policy and data protection policy etc. Il est préférable que le staff handbook soit expressément non contractuel pour que l’employeur puisse le modifier de façon unilatérale.
Les motifs de rupture du contrat et les droits du salarié ?
Le Employment Rights Act 1996 prévoit les motifs suivants de licenciement :
- comportement (conduct)
- inaptitude ou incompétence professionnelle (capability)
- motif économique (redundancy)
- la violation de la loi (statutory requirements)
- toute autre raison substantielle (some other substantial reason)
Il existe deux façons pour un salarié de contester la rupture de son contrat de travail :
Wrongful dismissal
La requête en wrongful dismissal repose sur le droit des contrats. En effet, le salarié saisit les tribunaux car l’employeur a violé les termes de son contrat de travail. La violation la plus fréquemment commise est le non-respect de la période de préavis. Le montant du préjudice s’élève alors au montant du préavis non-donné.
Unfair dismissal (licenciement abusif)
Pour que le Tribunal puisse être saisi d’une requête pour unfair dismissal le salarié doit avoir au moins deux ans d’ancienneté et la requête doit être présentée au Tribunal dans la période de 3 mois moins 1 jour à compter de la date du licenciement.
L’Employment Rights Act 1996 pose la ligne de conduite que le Tribunal doit adopter pour établir si le licenciement était justifié ou non. Il y a deux étapes:
- L’employeur doit justifier le motif du licenciement et démontrer l’incapacité de l’employé ou sa mauvaise conduite, son manque de performance ou le fait que le licenciement était fondé sur des raisons économiques. Le motif économique n’est pas attaquable sur le fondement de la pertinence. En revanche, l’équité dans le choix du salarié pour le licenciement pour raison économique est contrôlée. La consultation préalable des salariés concernés par un licenciement est obligatoire et doit être prouvée. Le licenciement pour raison économique ouvre droit à une indemnité légale si l’employé à plus de deux ans d’ancienneté (Statutory Redundancy Pay).
- L’employeur doit également pouvoir démontrer qu’il a agi raisonnablement (fairly) en prenant la décision de licencier le salarié. L’ACAS Code guide l’employeur et les salariés quant à la procédure à suivre pour respecter le principe de reasonableness.
Il existe certains actes qui rendent le licenciement automatiquement abusif (automatically unfair). Par exemple, le licenciement pour appartenance à un syndicat ou du fait de la participation aux activités du syndicat, ou le licenciement pour refus d’adhérer au syndicat reconnu par l’employeur pour mener les négociations relatives au droit collectif des employés ; le licenciement d’une femme à cause de sa grossesse ; le licenciement suite à un lancement d’alerte.
Calcul des dommages et intérêts dans le cas d’un wrongful ou d’un unfair dismissal ?
En Angleterre, les dommages et intérêts visent à compenser le salarié pour ses pertes de revenu encourues en raison du licenciement abusif – ou du traitement discriminatoire.
Il faut noter que le concept d’indemnité de licenciement n’existe pas en tant que tel, sauf en cas de licenciement pour raison économique où la loi prévoit un Statutory Redundancy Payment (SRP) pour les salariés ayant plus de deux ans d’ancienneté. Le SRP est calculé par référence à l’ancienneté du salarié dans l’entreprise et à son âge. Si le salarié à moins de 41 ans, le SRP sera calculé à raison d’une semaine de salaire par année d’ancienneté. Si le salarié a plus de 41 ans, chaque année au-delà de 41 ans augmente le seuil de calcul à une semaine et demie. Le salaire du salarié est plafonné à 571 GBP par semaine, on voit donc que cette indemnité n’est pas très élevée.
Par ailleurs, les dommages et intérêts pour licenciement abusif sont plafonnés à 17,130 GBP pour le Basic Award et, pour le Compensatory Award, 93,878 GBP (ou l’équivalent d’un an de salaire brut si celui-ci est inférieur à ce montant). Toutefois, le montant des dommages et intérêts sera fonction de ses pertes de revenu et le salarié est toujours tenu de démontrer qu’il a encouru ces pertes ou qu’il continue d’encourir des pertes de revenu dues à son licenciement et qu’il est en mesure de démontrer au tribunal ses efforts pour réduire ses pertes de revenu notamment par la recherche active d’un emploi
Attention, dans ce cadre de plafonnement des dommages et intérêts pour unfair dismssal,,les salariés ont dès lors intérêt à se tourner vers la législation contre les discriminations car si le salarié peut prouver que son licenciement était motivé par un acte discriminatoire (âge, handicap, mariage ou Civil Partnership, maternité, race, religion ou croyance, sexe ou orientation sexuelle), ou bien suite à un lancement d’alerte, les dommages et intérêts ne sont pas plafonnés.
Que sont les « grievances » ?
Afin d’encourager le règlement à l’amiable des disputes employeur/salarié, la loi encourage les salariés à adresser à leur employeur des mises en garde écrites très formelles appelées « grievances » lorsqu’ils estiment être mal considérés (et alors qu’ils peuvent continuer à travailler). Les employeurs sont alors encouragés à suivre une procédure disciplinaire spécifique prévue par un code (le Acas Code of Practice).
Le tribunal augmentera jusqu’à 25% la compensation financière du salarié s’il estime que l’employeur a, de manière non raisonnable, failli à ce suivi. Le tribunal peut de la même manière diminuer la compensation du salarié jusqu’à 25% si celui-ci n’a pas suivi la procédure recommandée par le Code.
Ce petit guide est conçu pour répondre au questionnement d’un employeur français recrutant son premier salarié en Angleterre en donnant un aperçu d’ensemble du contrat de travail en envisageant aussi sa rupture potentielle. Il n’aborde évidemment pas tous les aspects de la relation de travail et du droit du travail anglais tels notamment la spécificité de la législation anglaise contre les discriminations au travail.
Pour toute question plus spécifique ou pour la rédaction du contrat de travail ou des chartes de l’employeur, contactez le French Desk .
Les informations contenues dans ce guide sont publiées à des fins générales et ne constituent pas un conseil juridique. Un avis approprié devra être sollicité pour tout cas particulier et préalablement à toute décision.
© Miller Rosenfalck LLP, July 2022
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